Langue active :FR

  • Imprimer

Le drame de 1966

DRAME DE 1966
(Article du RL paru le 5 janvier 1966)   ARS-LAQUENEXY : L’effroyable drame a semé l’émotion dans toute la région messine. En ce début d’année 1966, un drame horrible a endeuillé Ars-Laquenexy, petit bourg à 8 km de Metz. Un incendie, dont le foyer avait certainement couvé pendant une partie de la nuit, a éclaté brusquement, hier matin, au 1er étage du café Watier, le seul débit de boissons de la localité. Les gérants, M. et Mme Marcel Dujardin, ainsi que leurs trois enfants, Daniel 14 ans, Didier 12 ans, et Dominique, 6 ans, ont péri carbonisés dans le sinistre. De l’établissement lui-même, il ne reste plus que quatre murs calcinés.
Il était environ 3 h45 lorsqu’un habitant d’Ars-Laquenexy, M. Monnier employé des P.T.T. à Metz sortit de chez lui pour se rendre à son travail. A l’extrémité de la localité, à l’angle de la route nationale 999 qui conduit à Rémilly et du petit chemin qui mène à Jury, se trouve le café « Au Pichet » plus connu sous le nom de café Watier.

M. Monnier n’en crut pas ses yeux lorsque, dans l’obscurité, il vit des flammes hautes de plus de deux mètres s’élever au-dessus de la toiture de l’établissement. Il réalisa tout de suite le drame. Tous les volets de la maison étaient fermés et la famille Dujardin dormait alors que le bâtiment flambait. L’employé des PTT donna aussitôt l’alerte et en l’espace de quelques minutes il avait éveillé le maire M. Godfrin, l’instituteur – secrétaire de mairie, M. Thirion, ainsi que le propriétaire du café, M. Watier, dont l’appartement est construit en prolongement du débit de boisson.

Les premiers secours
De la mairie, on téléphona aussitôt aux pompiers de Metz ainsi qu’à la gendarmerie de Courcelles-Chaussy. En attendant l’arrivée des secours, les voisins tentèrent de sauver les gérants du café. Une échelle fut dressée le long de la façade. M. Thirion, le courageux instituteur, savait que dans la chambre du devant dormaient les trois enfants Dujardin dont le plus jeune, Dominique, 6 ans, est élève dans sa classe.

Armé d’une hache, M. Thirion parvint à faire voler en éclats volets et fenêtres. Déjà, la toiture et la chambre n’étaient qu’un brasier. Il était trop tard… Dans le lit qui prenait l’angle de la chambre, l’instituteur entrevit les corps inertes des deux ainés Daniel et Didier. Le spectacle était horrible. Les deux enfants étaient déjà à demi-carbonisés. Leur visage était noir… Plus loin, au fond de la pièce. Le petit lit dans lequel dormait Dominique disparaissait dans les flammes et la fumée. La toiture commençait à crouler et des morceaux de poutrelles enflammées, ainsi que, des débris de toutes sortes tombaient envahissant la chambre des parents et celle des enfants, rendant toute intervention impossible. Les sauveteurs, pendant quelques minutes, avaient pensé qu’ils pourraient réveiller les occupants des deux pièces. Hélas ! Il ne faisait aucun doute que tous, parents et enfants étaient asphyxiés, peut-être depuis quelques heures.

Un immense brasier
Horrifiés par ce navrant spectacle, désespérés de ne pouvoir intervenir efficacement et sauver ne fût-ce qu’une personne, un enfant, MM. Godfrin et Thirion ainsi que tous les voisins, furent réduits à attendre l’arrivée des pompiers de Metz.

Ceux-ci en dépit du verglas qui recouvrait la chaussée depuis la sortie de Metz et rendait la circulation extrêmement difficile, furent sur place quelques minutes seulement après l’alerte.

A leur arrivée, les deux chambres et le grenier qui occupent le premier étage, n’étaient plus qu’une fournaise qu’il était Impossible d’approcher.
Par précaution, le fourgon-pompe des pompiers de Montigny-lès-Metz avait été demandé en renfort.

Toutefois, sur place, les pompiers professionnels trouvèrent une vaste citerne et, une fois tuyaux et lances mis en batterie, l’incendie fut rapidement maitrisée, étant cernée de toutes parts.

Pendant quelques instants on avait craint pour le bâtiment voisin, une maison neuve occupée par M. et Mme Watier, propriétaires du café qui, depuis des années et jusqu’à l’an dernier, avaient tenu l’établissement. Néanmoins, grâce à l’habileté des pompiers et au mur pare-feu qui séparait les deux corps de logis la construction récente fut épargnée.

 

Une famille décimée
La famille Dujardin entièrement décimée dans ce terrible incendie, était non seulement connue dans la région messine, mais également dans les départements de Meuse, Marne et Ardennes.

Le chef de famille, M Marcel Dujardin 36 ans est né le 4 mars 1929 à Bruay-sur-I’Escaut (Nord). Il était directeur d’une petite entreprise, le Comptoir Automatique, dont le siège est à Sedan. Cette entreprise assure le placement d’appareils automatiques (juke-boxes, flippers, bowlings électriques, etc…) dans diverses villes de la Meuse et des Ardennes. L’associé de M. Dujardin est Serge Lallemand fils d’adoption de M. Watier, propriétaire du café sinistré.

Le père de M. Dujardin demeure à Commercy tandis que les parents de son épouse sont domiciliés à Paris. Le couple est par ailleurs fort connu dans le commerce messin. Avant de prendre la gérance du café d’Ars-Laquenexy, ils avaient géré pendant quatre ans un grand magasin à Metz.

Au mois de juillet, ils laissèrent cette gérance pour s’installer à Ars-Laquenexy et remplacer M. Watier qui avait pris une retraite bien méritée. Mme Dujardin, née Léone Lemazurier-Ducrocq est originaire de Calais où elle naquit le 20 juin 1928.

Le couple s’était marié le 27 janvier 1951 à Anzin (Nord) et, depuis cette époque, avait tenu diverses succursales de la firme.
L’aîné de leurs enfants Daniel, 14 ans, est né le 21 septembre 1951 à Montbrisson. Après ses études, il travaillait avec son père. Le second, Didier, 13 ans est né le 16 janvier 1953 à Bourgoin (Isère). Il était élève de sixième au lycée Robert Schuman à Metz. Le dernier, Dominique, 6 ans, né le 7 novembre 1959 à Lunéville, était élève à l’école communale d’Ars-Laquenexy.

Un poêle à mazout à l’origine du sinistre ?
Hier matin, les enquêteurs se sont attachés à étudier les causes de l’incendie.
Après les deux jours de fête au cours desquels le café avait été ouvert, la famille avait profité de lundi, jour de fermeture, pour présenter ses vœux à divers amis de Metz. En soirée, ils s’étaient rendus au restaurant « La Costa Brava» à Saint-Julien-lès-Metz, et ce n’est que vers 23 heures qu’ils rentrèrent à la maison à bord de leur ID-19 en compagnie de leurs enfants.

Toute la famille alla se coucher au premier étage. Sur le palier, il y avait un poêle à mazout servant à chauffer les deux pièces, la cage d’escalier étant masquée par un rideau destiné à conserver la chaleur. On suppose que c’est ce poêle qui a communiqué le feu à la suite d’une défaillance. Selon une amie de la famille Dujardin, cette dernière avait déjà failli s’asphyxier dimanche soir, le tuyau de poêle laissant passer des gaz brûlés. Le mauvais tirage de l’appareil est-il à l’origine du sinistre ? L’enquête le définira certainement.
Par ailleurs, on pense que tous les membres de la famille furent asphyxiés avant que, sous l’effet d’un appel d’air, le feu se déclare avec la violence que l’on sait.
Peut-être M. Dujardin essaya-t-il de sauver les siens en allant ouvrir une fenêtre, car selon la position de son corps, on suppose qu’il devait se trouver à proximité de l’escalier et non dans son lit lorsque, à son tour, il tomba inanimé.

Le frère et le père de M. Dujardin sont venus hier après-midi pour prendre les dispositions nécessaires en vue des obsèques.

 

Dernière mise à jour le 06.03.2023